Je reprends pour vous un article publié dans la revue de l’Académie d’Ostéopathie de France il y a de cela quelques années, pour les professionnels de santé ou de la petite enfance qui ont l’occasion de prendre en charge de jeunes enfants afin de les aider à mieux comprendre les enjeux d’un bon accompagnement.

» Résumé :
Nous abordons les conditions favorisant un bon développement psychomoteur chez le jeune enfant et particulièrement la relation que ses parents construisent avec lui dans un environnement adéquat. Le respect de l’évolution tonique de l’enfant, de sa maturité neurologique et le fait de faciliter la découverte de son corps, lui permettent d’acquérir un épanouissement et une aisance corporelle. Nous décrivons par paliers d’âge la situation de l’enfant dans ses acquisitions motrices, dans la conscience qu’il a de son corps et dans sa capacité relationnelle.
Mots Clés :
Développement psychomoteur, Maturation neurologique, Sécurité affective, 0-3 ans, Motricité globale, Motricité fine, Construction corporelle, Tonus, Éveil.
Introduction
Un enfant grandit et se développe de manière harmonieuse si son environnement lui apporte à la fois un climat affectif rassurant et des stimulations adaptées. L’intégrité physique et particulièrement celle de son système nerveux, est la condition première d’un développement psychomoteur normal.
L’enfant grandit également, soutenu par la pertinence de la prise en charge des professionnels de la petite enfance et de leur connaissance des étapes normales de son développement. L’ostéopathe, acteur de plus en plus présent dans ce domaine, doit avoir une connaissance spécifique de ces patients si particuliers.
Qui faire intervenir ? Le traitement ostéopathique respecte-t-il toujours l’équilibre psycho-émotionnel de l’enfant ? Des questions auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse.
L’étude des conditions nécessaires à un bon développement et des différentes étapes de vie du jeune enfant ( jusqu’à trois ans), vont permettre à l’ostéopathe de mieux comprendre son patient, d’adapter son traitement et ainsi de mieux appréhender les éléments qui perturbent son évolution.
Stabilité et sécurité affective
Le sentiment de sécurité interne d’un enfant se construit peu à peu, grâce à la relation avec sa mère, à ce lien bien particulier d’attachement. C’est parce qu’il va vivre une relation chaleureuse, fiable et stable avec ses parents, que l’enfant va acquérir un sentiment de protection et de sécurité dans son corps, puis plus tard dans la vie [1]. Ce lien est le moteur du développement de l’enfant. Il lui permet de déployer ses capacités communicatives par les outils sensoriels et moteurs. Cela le conduit pas à pas vers l’ouverture au monde dans un processus d’autonomie.
Ses parents jouent un rôle primordial dans sa construction affective, et les professionnels intervenant dans le système de garde à leurs mesures aussi. C’est parce qu’un bébé va vivre une succession de moments qui se répètent quasiment à l’identique chaque jour, dans le même ordre, qu’il va pouvoir anticiper le moment à venir et ainsi se mettre à penser [2].
L’univers du bébé est tout d’abord sensoriel. Le bébé trouve et retrouve, reconnaît sa mère par les sens. C’est elle qui donne un sens à l’environnement en lui prêtant ses propres qualités sensorielles. Elle « mamaïse » l’espace [3]. L’espace de vie, empreinte affective et protectrice des parents, va permettre à l’enfant d’évoluer dans un environnement rassurant.
Le nouveau-né est dans un univers chaotique. Il est soumis à des sensations internes qu’il ne comprend pas, comme la faim, mais aussi à des sollicitations sensorielles externes. Les parents donnent sens à ces émotions en y mettant des paroles. Ils lui permettent ainsi de mieux comprendre son monde interne et de rendre cohérent son environnement. Ce processus participe à l’élaboration du sentiment de sécurité interne de l’enfant et à la confiance qu’il aura en lui-même.
Intégrité corporelle et développement moteur de l’enfant
Le développement moteur de l’enfant dépend principalement de ce que l’on appelle la maturation neurologique. C’est en fait la prise de contrôle peu à peu de la motricité volontaire par le démarrage du système nerveux pyramidal sur la motricité anarchique du nouveau-né [4]. En effet, le nouveau-né arrive avec un système nerveux immature qui se traduit par une motricité non contrôlée et des réflexes archaïques. Ces réflexes sont signes de bonne santé, et doivent disparaître dans les premiers mois de la vie. Ces derniers, en particulier le réflexe de Moro[1], peuvent mettre l’enfant dans un état corporel inconfortable voire d’insécurité [5]. Pour l’éviter, il suffit de prévenir le bébé par le regard et la voix avant de le prendre, et de soutenir son axe par la tête et le bassin [6].
À la naissance, l’enfant a un capital neuronal maximum. L’évolution neurologique, ou maturation neurologique, va se porter sur le lien synaptique, et sur la myélinisation. En début de vie, seuls les circuits neuronaux permettant à l’enfant de vivre et assurant les fonctions vitales, sont en place (système respiratoire, système cardiaque, etc). Les autres circuits vont se développer grâce au processus de myélinisation [4]. Il se fait dans deux sens bien précis et permet l’évolution du tonus. Le bébé naît avec une hypotonie axiale et une hypertonie des membres, ce qui explique son attitude en grenouille à la naissance. Le tonus axial s’installe peu à peu par la tenue de la tête, la station assise, puis la station debout, suivant la loi céphalo-caudale*. Parallèlement, le tonus progresse du centre du corps vers la périphérie et la motricité fine suivant la loi proximo-distale*. Cette progression du tonus, bidirectionnelle, est identique pour tous et programmée de manière génétique. Mais le rythme des acquisitions varie d’un enfant à l’autre. C’est ce qui explique les écarts d’âge pour l’apprentissage de la marche par exemple [5].
Le développement moteur suit la même séquence chez tous les enfants, et est intimement lié à la maturation du système nerveux. Rien ne pourrait faire marcher un enfant tant que son système nerveux n’est pas prêt. C’est également ce qui nous amène à respecter le temps nécessaire pour la maturité neurologique et psychologique.
La structuration du cerveau dépend de l’interaction avec l’environnement. Les gènes déterminent un potentiel, et c’est la rencontre avec l’environnement qui permet l’expression de ce potentiel. En effet, il existe des circuits neuronaux qui s’activent sur l’influence de stimulations. Les apprentissages se font de manière privilégiée à des périodes particulières du développement ; c’est la notion de périodes « sensibles » [4].
Développement psychomoteur de l’enfant
de 0 Á 3 ans
De la naissance à deux ans, l’enfant est dans une période d’expérimentation sensorielle et motrice : c’est la sensori-motricité [7]. L’intelligence sensori-motrice est vécue, nullement réflexive [7]. Elle repose sur les informations fournies par les sens et le corps en action, par les perceptions et les mouvements.
Elle s’intrique dans le développement psychomoteur, et se construit de manière progressive, par étape, les unes étant les bases des autres.
De 0 à 9 mois
à la naissance, le bébé est en symbiose et dans un état de dépendance absolue vis-à-vis de sa mère. Tout est flou et confus, il ne différencie pas ce qui vient de lui de ce qui vient de sa mère. Il est dans un univers sensoriel et parcellaire [8] .
Lors de son premier mois de vie, le bébé n’aime pas être nu [9]. Dénudé, il pleure, s’agrippe et se contracte. Il a grandi neuf mois dans une « bulle liquide », et se retrouve maintenant dans un espace immense. Il a besoin d’être enveloppé. Il est soumis à des expériences corporelles qui peuvent être angoissantes : angoisse de chute, absence d’orientation corporelle, angoisse de morcellement [8]. Pour lutter contre ses angoisses, le bébé a besoin d’être porté et rassuré par un corps à corps, de se sentir tenu physiquement et psychiquement. Le contact corporel, mêlant les sensations tactiles, thermiques et kinesthésiques, est un moyen communicatif de base dans la dyade mère/enfant. La mère transmet à son enfant ses états de tension ou de détente, par des modifications toniques traduisant ses affects. En réponse, l’état tonique du nourrisson varie, le bébé communique ses émotions et son état interne : c’est le « dialogue tonique » [10].
Le bébé n’a de lui-même, comme du monde qui l’entoure, qu’une conscience fragmentée. Les différentes parties de son corps sont sans rapport entre elles. Le bébé vit un premier sentiment de rassemblement corporel avec la coordination main/bouche. Au fur et à mesure de l’évolution de ses coordinations motrices, le bébé va se dégager progressivement de son angoisse de morcellement [10].
Durant la première année, le nourrisson va découvrir peu à peu son corps.
Les premiers jeux du bébé sont les jeux du corps. Il joue avec sa voix, sa bouche, découvre ses mains et plus tard ses pieds. Ces découvertes successives lui font vivre des moments de rassemblements corporels, l’amènent à prendre conscience de son corps, mais aussi du corps de l’autre et l’aident à se différencier petit à petit de sa mère.
Motricité globale
La maturation neurologique va permettre à l’enfant de coordonner peu à peu ses mouvements, et de se déplacer. Il est important de laisser se mouvoir l’enfant au sol, tout danger écarté.
Il va découvrir ainsi des possibilités de déplacements : se retourner, ramper, marcher à quatre pattes…
Plus l’enfant répète un mouvement, plus il est maîtrisé. L’enfant acquiert peu à peu une habilité corporelle. Il est essentiel de ne pas forcer le rythme tonique d’un enfant. En effet, il lui est très fatigant de tenir son axe avant sa maturité neurologique. Si un enfant est mis assis, il est important de lui fournir un appui dorsal non contraignant lui permettant de se sentir en sécurité et de se dégager de cette position, comme par exemple un coussin mou. Le but est de penser l’environnement, de l’aménager en fonction de son développement, et de proposer à l’enfant des sollicitations indirectes dont il se saisira au moment où il est prêt.
On peut l’inviter à de nouvelles expériences motrices en plaçant des obstacles sur son passage. Le but est d’accompagner l’enfant dans son développement psychomoteur, à son rythme, et favoriser la découverte de son corps et la liberté de mouvements.
Il est à ce titre pertinent de s’interroger quant à l’utilisation prolongée de certains objets courants de puériculture et au nombre d’heures qu’un bébé peut passer immobile dans un « transat », ou pire dans un « maxi-cosy », dont la coque rigide favorisera l’apparition de déformation crânienne. Rappelons, que le « maxi-cosy » est fait avant tout pour le transport d’un bébé en voiture, et ainsi résister à un potentiel accident. De même, l’utilisation d’un « baby-trott », outre le fait qu’il est souvent utilisé avant que l’enfant ne soit capable de tenir la position debout seul, l’empêche de découvrir par lui même son équilibre, et surtout le fait de pouvoir assimiler le passage de cette position debout à la position assise. Son utilisation excessive peut avoir des répercussions sur la qualité de la marche, et peut empêcher l’enfant de maîtriser le processus dans son ensemble (chutes plus fréquentes, raideur des jambes).
Motricité fine
Parallèlement à l’évolution de la motricité globale, des mouvements plus précis et fins apparaissent.
L’intérêt de l’enfant se porte sur les objets extérieurs avec l’acquisition de la préhension. La première phase de cette préhension est le toucher. Le bébé attrape l’objet qu’on lui met dans la main. Ensuite, vers 6 ou 7 mois, l’enfant regarde ce qu’il attrape, et le porte à la bouche. Il exerce ainsi la coordination oculo-manuelle [11].
Pour faciliter la préhension, les hochets doivent être légers, faciles à saisir et de petite taille (morceau de tissus, anneaux, …). Les jeux des premiers mois sont des jeux d’éveil sensoriels faisant appel aux capacités perceptives de l’enfant ; le toucher, la vue, l’ouïe.
La préhension s’enrichit : l’enfant fait passer un objet d’une main à l’autre, puis il peut attraper un objet dans chaque main. La préhension s’affine avec la participation de plus en plus précise du pouce et l’acquisition de la pince (9 mois) [11].
L’utilisation du « portique d’éveil », limite l’enfant dans la qualité de la manipulation de ces objets ; il ne peut pas les porter à la bouche, les faire tomber, les tourner ni les passer d’une main à l’autre. De plus, le positionnement du portique peut également limiter l’enfant dans ses mouvements de retournement. Il peut même amener le bébé, lorsqu’il est placé trop loin au-dessus de sa tête, à une position d’hyper extension cervicale.
Enfin, le portique impose à l’enfant un champ visuel restreint et parfois pendant un long moment.
De 9 à 12 mois
L’acquisition de la permanence de l’objet
L’enfant se constitue peu à peu une image de sa mère, lorsqu’elle est absente. C’est le début de la permanence de l’objet, et d’un long chemin dans le processus d’individuation. L’enfant prend conscience progressivement qu’il est séparé et différent de sa mère [12]. La permanence de l’objet est une étape primordiale au niveau psychique et cognitif. C’est la certitude que l’objet absent et disparu de son champ visuel, existe toujours. L’objet est évidemment tout d’abord sa mère. À travers les jeux de « coucou » si importants, le nourrisson expérimente, vérifie et intègre les notions d’absence et de présence.
L’acquisition de la station assise offre une possibilité accrue d’exploration manipulatoire. L’enfant développe de plus en plus la manipulation fine. Plus il saisit de petits objets, plus il développe la maturation de ses commandes motrices et donc son habileté manuelle.
Le mouvement prend sens et se fait dans un but ou une intention ; c’est le début de l’activité praxique* [11]. L’enfant expérimente sur un objet ses derniers mouvements acquis : il secoue, frotte par terre, frappe, etc.[7] Le mouvement prend une valeur de communication à travers l’apparition d’imitation de gestes simples (au revoir, les marionnettes, les applaudissements). Cela devient une source de jeux et d’échange avec l’entourage.
Le nourrisson commence à lâcher les objets de manière volontaire, et joue ainsi à les faire disparaître.
De 12 à 18 mois
Maîtrise de son corps
L’occupation constante de l’enfant, dans sa deuxième année, est l’exercice de sa motricité. C’est la période des grandes acquisitions motrices. Avec l’apprentissage de la marche, l’enfant va jouer avec cette nouvelle maîtrise du corps.
La marche est une étape primordiale dans le processus d’individuation. Elle aide l’enfant à se différencier du monde environnant, et unifie la représentation de son corps. Elle lui procure un sentiment jubilatoire associé à un hédonisme musculaire [13]. Il prend plaisir à bouger et à exercer son équilibre. Il s’enhardit dans ses expériences motrices et part à la conquête de l’espace. Il vit des notions de perspective, de profondeur, de longueur et de hauteur. Il découvre l’espace à trois dimensions.
L’enfant a véritablement besoin de grimper, monter les escaliers, courir, pousser, tirer (cartons, poussettes), et le répète inlassablement.
La nouveauté intéresse l’enfant pour elle-même. Il est dans le concret. Il tâtonne, expérimente de manière active et curieuse. Il découvre par son corps tout ce qui l’entoure et aussi les lois physiques qui régissent la vie dans notre système [13]. Il a besoin d’exercer des possibilités d’expérimentations qui sont à la base de la construction du raisonnement.
L’enfant intériorise les premières notions spatiales de dedans/dehors à travers les jeux de vider/remplir. Il expérimente la notion de quantités par des jeux de transvasement (jeux d’eau et de sable).
Enfin, ses activités s’enrichissent et s’organisent.
De 18 à 24 mois
Dans cette période charnière, l’enfant commence à se détacher de ses perceptions, et de ses actions présentes. Il a construit une image permanente de l’objet ; il en découle des représentations mentales qui s’expriment à travers les premiers jeux d’imitation différés* et l’évolution du langage. L’enfant découvre le langage comme moyen d’expression, mais aussi comme moyen de maîtrise des objets qu’il désigne.
C’est la période où l’enfant prend conscience de « son unité corporelle », à travers le fameux « stade du miroir » de Lacan [12,15]. Dans un premier temps, l’enfant perçoit son reflet dans le miroir comme un être réel qu’il tente de saisir. Ensuite, il comprend que le reflet n’est qu’une image mais il ne la reconnaît pas encore comme étant la sienne. Il accède à l’aspect virtuel de l’image. Enfin, l’enfant comprend que cette image est la sienne, et qu’elle le représente. Il entre dans le symbolique. L’enfant se reconnaît dans le miroir lorsqu’il désigne son image par son prénom. L’enfant se vivait morcelé, il se voit maintenant entier.
Cette étape précède le sentiment d’unité de sa personne qui se traduit par l’acquisition et l’utilisation du « je », et est fortement structurante pour le développement psychique. Rappelons que le premier miroir est avant tout le regard maternel, à travers lequel l’enfant se construit [14].
De 24 à 36 mois
L’intelligence symbolique devient prépondérante. L’enfant sort de l’intelligence sensori-motrice pour entrer dans l’intelligence pré-opératoire*. Il fait appel à des représentations et combinaisons mentales. Les jeux symboliques permettent à l’enfant de comprendre le monde des adultes qui l’entoure ; ils le soutiennent dans le déroulement de sa pensée. Ils lui permettent surtout d’exprimer ses désirs, ses émotions, ses préoccupations et son agressivité. L’enfant maîtrise ses angoisses en rejouant une situation pénible dans un rôle actif. Il ne subit plus. Jouer est une expérience créative et soutient l’imaginaire de l’enfant [14].
Les jeux symboliques utilisent comme support les poupées, la dînette, le déguisement, les voitures, etc.
L’enfant continue son exploration corporelle en lien avec le développement de sa motricité et de son équilibre. Il s’essaye à de nouvelles expériences motrices et les coordinations se complexifient comme sauter et pédaler. Ces expériences sont essentielles dans la construction de son schéma corporel. C’est la conscience et la connaissance qu’a l’enfant de son corps. Son identité corporelle est le premier point de référence à son orientation spatiale. L’enfant vit à travers les expériences corporelles les notions simples d’espace, dans toutes orientations (dessous, devant, en haut, …). Elles sont la première étape dans la conceptualisation de l’espace. L’acquisition de ces repères spatiaux est un élément nécessaire pour l’accès à l’écriture plus tard.
L’enfant progresse également au niveau de sa motricité fine. Il la développe grâce notamment aux jeux d’encastrement, de construction, de manipulation de pâte à modeler. Il accède à l’activité graphique, tout d’abord par le plaisir du mouvement, de l’impulsion motrice et par le fait de laisser une trace. A trois ans, l’enfant dessine un rond plus ou moins fermé, traduisant le sentiment d’unité corporelle. L’important n’est donc pas de faire ce rond, mais de pouvoir se servir du dessin comme d’une représentation de ce qui l’entoure. Ainsi, l’enfant dessine « le bonhomme têtard », première représentation de son corps [16].
Dans l’évolution de la grapho-motricité*, le mouvement part de l’axe, il met en jeu l’ensemble des articulations du membre supérieur, pour s’affiner au niveau distal avec la prise du crayon. Il est donc intéressant, pour soutenir l’enfant dans la fluidité de son mouvement, de lui proposer de dessiner sur un plan vertical (tableau) avant de l’inviter au plan horizontal.
Le langage prend un véritable essor, le vocabulaire s’enrichit et l’enfant peut maintenant associer des mots pour construire une phrase. Il prend beaucoup de plaisir à s’exprimer, et manifeste une curiosité dans les échanges verbaux avec les adultes. La découverte des livres participe ainsi à son éveil cognitif.
L’enfant a besoin d’être actif et qu’on le soutienne dans ses mouvements d’autonomie. Il prend plaisir à participer aux petites tâches quotidiennes comme aider à mettre la table. Il est fier de faire les choses seul, comme se déshabiller sans l’aide de sa mère.
Les stimulations et son environnement
Le jeu est vital et signe de bonne santé chez l’enfant. Alors que pour l’adulte il est considéré comme futile et de l’ordre du divertissement, chez l’enfant, jouer est sérieux. C’est son travail. Le jeu favorise la croissance psychique de l’enfant et ses apprentissages cognitifs. Il met en œuvre le corps de l’enfant et son rapport à l’espace.
Enfin et surtout le jeu s’inscrit dans un climat relationnel avec ses parents, puis avec ses pairs.
L’enfant a besoin de répéter les mêmes jeux pour intégrer un apprentissage, maîtriser ses émotions et s’approprier son espace de vie. L’hyper-stimulation ne laisse pas le temps à l’enfant de développer sa pensée et elle peut provoquer du stress. Il peut se protéger en érigeant des mécanismes de défense comme une hypertonie.
Au départ, l’environnement reconstitue un cocon, et progressivement, il favorise l’éveil de l’enfant. Le jeu lui permet de développer son imaginaire en étant actif. Il est donc important de l’accompagner dans ce jeu par le regard ou la parole, de lui répondre et de ne pas l’interrompre. En effet, l’enfant est concentré lorsqu’il joue et a besoin de temps pour sortir de son jeu. C’est un espace de transition entre lui et sa mère, une aire transitionnelle, processus semblable au « doudou » [14]. Il cherche avant tout l’autonomie dans ses actions, et son environnement doit le lui permettre en toute sécurité. Cette autonomie se manifeste par le plaisir d’être actif.
Signes d’alertes
Un bilan psychomoteur permet de dresser un état des lieux sur le développement de l’enfant. Il se fait à travers l’observation de son activité spontanée et de la relation parents/enfant, et/ou par une passation de tests.
On observe son tonus à la recherche d’une hypertonie ou d’une hypotonie. On évalue autant le niveau d’âge des acquisitions, afin de détecter un retard psychomoteur, que la qualité de sa motricité. On observe également la manière dont il se sert de son corps pour communiquer avec son environnement, et la richesse de ses jeux. On peut aussi détecter des troubles de la communication comme un retrait, ou une fuite de la relation, une instabilité ou une hyperkinésie.
Les troubles psychomoteurs peuvent être d’origine psychique ou neurologique. Ce qui est à prendre en compte, ce n’est pas tant le retard psychomoteur de l’enfant que sa capacité à évoluer rapidement lors de la prise en charge. Cet élément de rapidité d’évolution est un indicateur de l’origine de son trouble psychomoteur.
La prise en charge en psychomotricité est un travail de soutien de la relation parents/enfant à travers des médiateurs ludiques et corporels. Ce travail aide l’enfant à être bien dans son corps. La lecture des signaux corporels de l’enfant nous renvoie à son état psychique. Lors de la détection de troubles psychomoteurs présumés, il est impératif d’adresser l’enfant vers son pédiatre. Celui-ci permet alors de prescrire un bilan psychomoteur, et/ou de l’orienter vers une structure de soins adaptée (CAMPS*, CMP* ou service de pédopsychiatrie).
Conclusion
Les différentes étapes du développement psychomoteur aident à mieux comprendre les problématiques de l’enfant vis-à-vis de son environnement. Cela permet également d’aborder l’enfant en respectant son rythme et en suivant son évolution psychique, corporelle et cognitive.
Il est intéressant de sensibiliser les parents sur le rythme individuel de leur enfant et de l’importance de lui procurer, dans une ambiance de plaisir et d’échanges, des expériences sensorielles et corporelles.
Le bébé a autant besoin de la chaleur du corps à corps de ses parents que d’être accompagné dans ses mouvements d’autonomie.
Il est dans la communication non-verbale, et s’exprime à travers son corps. Il est important d’être à l’écoute d’éventuels troubles toniques ou de dysharmonie du développement. Winnicott écrivait « qu’un bébé seul n’existe pas ». On ne peut dissocier l’enfant de son environnement affectif. Il est primordial d’être à l’écoute des parents pour avoir accès à l’enfant et de gagner leur adhésion pour le soigner.
Les premières années de vie sont essentielles pour sa construction tant physique que psychique, d’où l’intérêt des actions de prévention et d’une prise en charge précoce.
Références
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Glossaire
Réflexe de Moro : se définit par une abduction et une extension des bras suivies d’une adduction des bras. Il est provoqué par une perte de tenue de la tête, ou par un bruit qui déclenche alors en plus un réflexe de sursaut. Ce réflexe s’accompagne de pleurs, d’une extension du tronc et de la tête avec des mouvements des jambes. Il s’agit là d’un réflexe vestibulaire qui disparaît lorsque l’enfant a 3 ou 4 mois [5].
Loi céphalo-caudale : indique un des deux sens du processus de myélinisation, de la tête vers les pieds.
Loi proximo-distale : indique un des deux sens du processus de myélinisation, du centre vers la périphérie.
Activité praxique : séquence motrice qui s’organise dans le temps et l’espace en vue d’un résultat et d’une intention [11].
Jeux d’imitation différés : ils consistent à reproduire dans le temps, une situation vécue ou observée.
Intelligence pré-opératoire : représentation que l’enfant se fait de ce qu’il évoque. Cette intelligence symbolique est représentative et chaque objet est évoqué en image. Cette évocation se fait par les supports du langage de l’imitation différée, du dessin, du jeu symbolique et de l’image mentale [12].
Grapho-motricité : fait appel à l’aspect moteur de l’écriture. C’est donc l’enchaînement des mouvements qui la définit.
CAMPS : Centre d’Accueil Médico-Social Précoce.
CMP : Centre médico-psycologique.
[1] Les mots précédés d’un astérisque sont définis dans le glossaire
Auteurs de l’article
Emmanuel Frantz-Mercadal, ostéopathe DO
Nathalie Lamouche, psychomotricienne »
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